Rapport d’une mission FSMED en Palestine et campagne contre le tramway "français" à Jérusalem

Chers amis et camarades,

Je vous transmets le compte-rendu rédigé par Luis Blanco, membre du comité international de coordination du FSMED et du syndicat catalan CATAC. Luis et un autre syndicaliste de CATAC, Eugenio, se sont rendus en juillet 2006 à Gaza puis en Cisjordanie, à l’invitation de la Fédération des comités de travailleurs indépendants palestiniens (ILCU) de Gaza, pour étudier la proposition de l’ILCU de tenir à Gaza le prochain FSMED ou une des réunions de préparation du FSMED. Ils étaient accompagnés de Saif Abukeshek, membre de International Solidarity Movement originaire de Cisjordanie et membre actif du FSMED résidant à Barcelone.

Cher(e)s camarades,

Je vous envoie mon rapport sur mon voyage à Palestine. J’ai essayé d’être bref et j’ai omis mes expériences vécues et beaucoup des questions traitées au cours des différentes réunions, c’est un peu long malgré tout, je vous prie de m’en excuser.

Du 14 au 28 juillet, Luis Blanco et Eugeni Estopá de la IAC, Saif Abukeshek du ISM et du SCI ainsi que Maysun Abu -khdeir du ISM sommes partis en Palestine depuis la Catalogne. Il était également prévu que Sandro Guiglia fasse le voyage depuis l’Italie, mais il n’a finalement pas pu venir.

Ce voyage avait pour principal objectif de visiter Gaza et de nous réunir avec le ILCU (Comités de trabajadores de Gaza) dans le cadre d’un projet de coordination et de solidarité syndicale, et de tenir diverses réunions avec des organisations civiles et des représentants de l’Université afin d’évaluer les possibilités logistiques en vue de la tenue à Gaza du prochain FSMed, ce lieu a en effet été proposé et le débat est pour l’instant ouvert.

Hélas, le contrôle international de la frontière de Rafah nous a empêchés d’entrer à Gaza, arguant que nous ne faisions pas partie des personnes autorisées. Nous avons donc du revoir notre plan de voyage, pour visiter cette fois l’Egypte, la Jordanie et la Cisjordanie, où nous avons rencontré différentes organisations.

EGYPTE

Nous nous sommes réunis à deux reprises avec des représentants des Comités Egyptiens de Solidarité avec la Palestine, une des organisations les plus actives de la gauche laïque égyptienne, qui n’a pas participé au FSMed, car ils considéraient que ce Forum collaborait avec le sionisme.

Nous avons, à la première réunion, rencontré les représentants des Comités de la zone de El Arish. Nous les avons informés du fonctionnement du Forum et de son caractère ouvert et autoconvoqué, ainsi que des contenus du premier FSMed prouvant que ces accusations étaient sans fondement. Nous avons également exposé qu’il était important, tant pour les palestiniens que pour nous tous, que participent les organisations pacifistes et de défense des droits humains d’Israël.

La deuxième réunion s’est tenue au Caire avec Adel Elmeshad, responsable national des Comités. Ont également assisté à cette réunion Sheriff Hetata et Françoise Clement. Après avoir répondu à quelques questions concernant le mode de fonctionnement du Forum et ses contenus, Abdel Elmeshad s’est déclaré favorable à leur participation au FSMed et il a dit qu’il allait le proposer à son organisation et qu’il pensait que ce serait accepté sans difficulté.

Concernant la situation actuelle du conflit au Liban et en Palestine, ainsi que la possibilité de tenue du prochain Forum Social Méditerranéen à Gaza, étant donné que nous avons abordé ce sujet dans toutes les réunions et que presque toutes les organisations et comités que nous avons rencontré ont des positions convergentes, nous en parlerons dans un chapitre à part.

JORDANIE

Nous avons visité les camps de réfugiés de Zarqa et de Alwidat, et nous nous sommes de plus réunis avec Khaled Al-Zyood, président du Syndicat Général des Travailleurs du Pétrole et de la Chimie de Jordanie, avec Mohamed Hjoj, conseiller juridique du Syndicat, ainsi que d’autres membres du Conseil Exécutif du Syndicat. Après avoir traité de différentes questions en rapport avec les problèmes des travailleurs, nous les avons informés concernant le FSMed, et ils ont manifesté leur intérêt et leur intention de participer au processus de préparation du prochain FSMed.

CISJORDANIE

Pendant notre séjour en Cisjordanie nous nous sommes réunis avec différentes organisations civiles et les comités de réfugiés de Jenin, Tulkarem, Qalquilia et Ramala, avec qui nous sommes entrés en contact à travers Hashem Abukeshek, coordinateur des comités des camps de réfugiés de Cisjordanie.

JENIN

Nous avons eu une réunion avec Abdelhakeem Shebani (Palestinian General Federation of Trade Union), Ziad Abed (Palestine Teacher Union), Rafeck Abu Seefan (Palestinian Union of Special Needs People), Fahim Zaid (Internacional Press Center) et avec des représentants d’autres organisations, ainsi qu’avec Ahmad Asaad, le Directeur Général du Bureau du Président de la zone Nord.

Certains d’entre eux ont participé au premier FSMed, ils considèrent que cela a été une expérience positive et ont l’intention de continuer à participer. Dans le camp de réfugiés de Jenin, le Directeur des Services nous a expliqué les conditions particulièrement dures dans lesquelles vivent les réfugiés, il a dénoncé les représailles qu’ils subissent collectivement pour avoir opposé une forte résistance à l’armée israélienne au début de la deuxième intifada. Une des représailles, comme il est en train de se passer à Gaza, consiste en des attaques menées par l’armée israélienne qui, toutes les nuits, cinq jours par semaine, bombarde et mitraille le camp, afin de les empêcher de se reposer et de briser leur résistance psychologique. Cela affecte plus particulièrement les enfants, qui sont épuisés et en deviennent agressifs dans la vie quotidienne. Ils n’ont aucun moyen de traiter les problèmes psychologiques que souffre la population, car ce type de traitements ne fait pas partie de l’aide médicale fournie par les organismes de l’ONU.

TULKAREM

Nous avons rencontré Faisal Sallamh, président du comité populaire du camp de réfugiés, ainsi que d’autres membres. Ce comité est directement élu par les réfugiés ; parmi ses membres se trouvent des représentants de la majorité des organisations civiles (jeunes, femmes, travailleurs, handicapés, etc.) ainsi que des partis politiques existant dans le camp de réfugiés (Al Fatah, Front Populaire, Front Démocratique, Résistance Populaire, PPP et Hamas). Cette pluralité confère au comité une grande légitimité et aide au travail en commun.

Faisal et d’autres membres du comité populaire du camp de réfugiés ont participé au Forum Social Méditerranéen, leur évaluation est positive et ils espèrent continuer et élargir leur participation.

QALQILIA

Nous avons rencontré Mohamed Salim, du bureau de coordination des organisations et associations de Qalquilia, et Kamal El Hotari, du comité de recherche sur le mur et les colonies, ainsi que des représentants de quelques partis.

Qalqilia était la région agricole la plus productive de la zone, elle a été entièrement ruinée par la construction du mur. Ce mur pour couvrir une distance de 13km a en fait une longueur de 52km, l’objectif d’Israël étant d’exproprier les terres cultivables, de s’approprier le tiers des puits d’eau et de transformer certains villages en camps de concentration complètement isolés par le mur. Depuis sa construction, le chômage dépasse les 70% et plus de 3000 personnes, en majorité des jeunes, ont émigré de forme volontaire.

RAMALLAH

La réunion s’est tenue au siège du Health Work Commitees, et y ont participé son président, Ahmad Maslamani, le responsable de la communication, Wissam Rafeedie, et Razan Talajel, du Ramallah Center for Human Rights. Le fait que la réunion coïncidait avec la visite de Condoleza Rice, a empêché la participation d’autres organisations, car Ramallah était paralysée par une grève et qu’il avait été appelé à de nombreuses mobilisations et manifestations pour protester contre cette visite.

Les représentants du HWC pensent qu’il est nécessaire de construire un Forum Social Palestinien, les Palestiniens présents à la réunion sont d’accord pour commencer à travailler depuis les organisations ayant déjà participé à la coordination pour la construction du FSMed, ils ont décidé de convoquer à une réunion afin d’élaborer un calendrier de travail visant à promouvoir la participation d’autres organisations et associations sociales. Ils sont convaincus de la possibilité de consensus e sur les questions de solidarité internationale et sur trois objectifs politiques clairement définis : l’application des résolutions de l’ONU, l’application des sentences des tribunaux internationaux concernant le mur, et le fait que, tant que ces objectifs ne sont pas remplis, il faut travailler en faveur de la campagne de boycott international d’Israël.

JERUSALEM

Nous avons eu l’occasion de parler avec Ilan Pape, qui donnait une conférence à un groupe de volontaires internationaux qui s’occupent de reconstruire une maison détruite par l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jérusalem. A son avis, le problème de fond est la politique de nettoyage ethnique planifiée par le sionisme et mise en oeuvre par le gouvernement israélien. Toutes les autres actions israéliennes allant dans le sens de cet objectif. Il est favorable à un boycott contre Israël et il considère que la seule solution possible est la création d’un Etat laïque et démocratique unique pour toutes les communautés et habitants de la région.

Nous avons également rencontré Asrhaf et Meyer Margelit de l’ICAT. Ils reconnaissent que le mouvement pacifiste israélien est faible et que la population juive, en général, s’efforce de ne pas penser à la situation de conflit qui l’entoure. Ils considèrent qu’un des objectifs du gouvernement en commençant la guerre au Liban est, outre le fait d’éliminer Hezbollah, de parvenir à regagner une plus grande implication de la population juive ainsi que son soutien à sa politique et à l’armée.

Dans presque toutes les réunions on nous a expliqué la gravité de la situation économique dans laquelle se trouvent ces populations, surtout dans les camps de réfugiés. Depuis la construction du mur, le chômage a explosé, atteignant 70% dans beaucoup de régions. Cela provoque un problème de subsistance pour de nombreuses familles. Depuis les élections, la situation s’est aggravée en raison des problèmes qu’ils ont à recevoir des aides internationales. Ils ne comprennent pas pourquoi les pays occidentaux ont fait pression pour que se tiennent des élections et que lorsque des élections libres et démocratiques ont effectivement lieu, on les punisse parce que le peuple a élu un gouvernement qui ne plait pas à Israël et aux Etats-Unis. Beaucoup de zones agricoles se désertifient par manque d’eau. Israël s’est approprié de nombreux puits, et à certains endroits, comme à Tulkarem, Israël contrôle jusqu’à 80% de l’eau. L’armée interdit à la population de creuser de nouveaux puits, de renouveler les machines et même de réparer les pannes qui se produisent.

Ils ne comprennent pas non plus pourquoi la communauté internationale n’est pas plus ferme avec Israël, et pourquoi elle ne l’oblige pas à respecter la légalité internationale, au lieu de lui permettre de continuer sa politique de répression et d’assassinats de la population civile. Cette permissivité contraste avec la dureté avec laquelle ces mêmes instances internationales traitent d’autres pays. A mon avis, l’ONU et l’Union Européenne sont en train de perdre toute crédibilité auprès de la population palestinienne et d’autres pays arabes. Un fort mouvement de soutien aux organisations islamiste est en train d’émerger, y compris parmi les membres des organisations laïques, cela va radicaliser le conflit et rendra plus difficile une solution pacifique. Si cette situation se prolonge et que l’Union Européenne poursuit sa politique d’alignement sur les Etats-Unis, il est fort possible que dans le futur nous nous retrouvions dans un inquiétant et dangereux affrontement de civilisations.

Nos interlocuteurs expriment la nécessité d’un fort mouvement de soutien et de solidarité international. Ils considèrent que devrait être organisée au plus tôt une conférence internationale, avec une large participation pour assurer sa légitimité, afin de contraindre Israël à appliquer les lois et accords internationaux. Ils demandent au FSMed de contribuer à lancer l’appel à participation à cette conférence et de mener autant d’actions de solidarité que nous pouvons.

Concernant la possibilité de réaliser le prochain Forum Social Méditerranéen à Gaza, ils ont unanimement déclaré leur soutien, bien que face aux doutes que nous avons émis quant à la possibilité réelle d’entrer à Gaza, ils ont reconnu qu’il était à l’heure actuelle impossible de prévoir ce que serait la situation d’ici deux ans. De toutes façons, ils considèrent que le fait de travailler dans ce but, en menant des campagnes médiatiques, pour conduire les Autorités Palestiniennes à inviter les participants au FSMed et réclamant le libre accès à Gaza par la frontière avec l’Egypte, constituerait, en ce moment, une importante action de solidarité.

Voici concernant le rapport de la visite. Je voudrais en profiter pour vous soumettre deux propositions à débattre au cours prochaines semaines.

Proposition de mobilisation solidaire avec la Palestine et le Liban.

Il me semble nécessaire d’ouvrir un débat concernant une action solidaire qui serait lancée depuis le FSMed et que nous devrions parvenir à une décision d’ici environ 20 jours. Je crois qu’il est important que nous prenions une initiative face à la grave situation vécue à Gaza et au Liban. Voici mes quelques propositions possibles et j’espère qu’il y en aura d’autres.
- Organiser une délégation du FSMed, le plus large et nombreuse possible, qui se rendrait sur les lieux du conflit, fin août ou début septembre.
- Prendre contact avec le mouvement contre la guerre et avec les organisations et mouvements sociaux qui sont en ce moment en train de lancer des mobilisations, afin de nous mettre d’accord sur une journée commune de mobilisation internationale.
- Rédiger un manifeste de critique de la politique d’Israël et de solidarité avec les peuples du Liban et de Palestine, recueillir un maximum de signatures et les remettre simultanément aux ambassades et consulats d’Israël.

Proposition de réunion du Groupe de Coordination International du FSMed

Il a été décidé à Athènes que la prochaine Assemblée Internationale FSMed se tiendrait fin 2006 en Algérie.
Afin d’analyser et de débattre la viabilité de tenue de cette assemblée et, si c’est le cas, de concrétiser le financement, l’organisation et afin de faire une proposition d’ordre du jour pour l’Assemblée ; je propose que le GCI se réunisse à Rome pendant la deuxième quinzaine de septembre. Il nous faudra prendre une décision avant trois semaines, afin d’avoir suffisamment de temps pour demander et obtenir les visas nécessaires, dans le cas où vous êtes d’accord pour que se tienne cette réunion.

Affectueuses salutations et bonnes vacances

Luis Blanco