Passez vous de viande !

« Passez vous de viande »

C’est le cri d’alarme lancé de Londres en septembre par le président du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). La FAO a évalué que la production de viande comptait pour 18 % des gaz à effet de serre. C’est supérieur aux émissions du transport dont l’empreinte carbone ne compterait « que » pour 13 %. Viande plus bagnoles égalent donc un tiers du total. Pour retrouver une meilleure santé et pour sauver la planète : manger moins de viande et marcher à pied !

Manger de la viande nous paraît une évidence. Et en manger souvent. Les recommandations officielles pour les repas, individuels ou collectifs, soulignent la nécessité de prendre des « repas équilibrés ». On nous parle alors des glucides, lipides et protéines (le sucre, le gras et les.,. protéines). On nous donne des proportions, 40 à 50 % de glucides, 30 à 35 % de lipides, donc 15 à 30 % de protéines.

On peut discuter à l’infini des bonnes proportions. Mais, communément, c’est ce que l’on trouve dans les recommandations, c’est ce que nous avons appris et ce qui est enseigné dans les écoles. C’est ce que l’on entend partout. Mais quel est le bon équilibre ? Au cours des temps et des lieux, nos repas ont tellement varié que la réponse paraît plus souvent culturelle et économique que strictement diététique. On prétend qu’il faut de la bonne protéine animale pour faire de bons muscles, ce qui fait rigoler les taureaux, les chevaux et les éléphants, mangeurs d’herbe et de feuilles et plutôt fringants et solides du côté musculaire.

La réponse change avec la situation écologique. C’est-à-dire que le régime carné des terriens carnivores est devenu, comme le pétrole, une des principales causes de l’émission des gaz à effet de serre. D’après la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), il a été consommé 280 millions de tonnes de viande (chiffres 2002). Ce chiffre représente la biomasse annuelle de viande mangée. La plus grande partie de cette viande provient de mammifères à sang chaud, c’est-à-dire avec une physiologie et des besoins alimentaires en quantité très voisins des nôtres. La "biomasse de l’humanité " est de l’ordre de 520 millions de tonnes... (80 kg x 6,5 milliards). Il a donc fallu nourrir, transporter et soigner l’équivalent d’un peu plus d’une moitié supplémentaire de l’humanité, en besoin quantitatif.

Combustion de pétrole et consommation de viande (particulièrement la viande rouge bovine, ovine et porcine) sont comptables de la plus grande partie de la pollution par le C02 et le méthane ; les rots et les pets de vache font rire les petits enfants mais pas les climatologues. Ces deux pratiques se soutiennent l’une l’autre. Pour produire de la viande, cela demande beaucoup d’engrais (pétrole), beaucoup d’espace pris sur d’autres cultures, beaucoup de processus énergivores, notamment la chaîne du froid et le transport. C’est là un gâchis absolu d’énergie. Mais bien moindre que la nécessité de produire environ 4 a 6 fois plus de calories végétales pour obtenir une calorie animale.

On peut discuter des pourcentages exacts, on ne peut pas discuter des conséquences : la consommation de viande rouge et de carburant pétrolier est déjà insoutenable alors que moins d’un tiers de l’humanité en bénéficie. On comprend aussi tout de suite que tout le monde n’y aura pas droit, que ce soit pour une simple question de ressources naturelles, de capacité économique ou en raison des dégâts irréversibles sur les équilibres climatiques.

Quand une pratique n’est ni soutenable ni équitable, il faut en changer. Changer ainsi de régime alimentaire n’est pas simple. Changer sans contrainte économique, chez les riches, demanderait que dès à présent ce qui est enseigné et communément admis soit modifié afin que d’ici à 2050 la consommation n’ait pas doublé mais soit divisée au moins par deux. Cela se nomme la décroissance de notre régime carné.

Bruno Clémentin, La Décroissance N°53 octobre 2008