Centre de Calais, avril 2015

Nous sommes allées avec Caroline à Calais, comme nous le faisons au moins 2 fois par an depuis des années.

Tout d’abord les locaux précédents, situés pas trop loin du centre ville, ont été repris par la mairie UMP de Calais, et un bulldozer est venu tout casser quelques jours plus tard. Il y avait une grande salle au rez de chaussée ou l’association faisait le repas du soir pour 1200 migrants, et un grand sous sol où étaient mis les vêtements qui arrivaient avant leur distribution tous les soirs. Un gendarme qui habitait en face a essayé d’empêcher, le premier jour, la mairie de changer les serrures, mais sans succès.

Nous sommes donc allés tout d’abord au centre ville, car la maison des associations récupère les vêtements et SALAM vient les chercher, mais la « marche blanche » pour la petite fille violée et tuée arrivait et la police nous a fait dégager. Nous avons alors téléphoné à une bénévole qui nous a rejoint, et nous sommes allées au centre de voile pour déposer les vêtements (le directeur du centre de voile est président de SALAM depuis le début).

Puis nous sommes allées avec la bénévole au centre Jules Ferry à 4 km environ de Calais, plus 1 km de chemin caillouteux dans la jungle. Heureusement que nous avions un 4/4, autrement ma voiture aurait souffert. Le centre Jules Ferry est le nouveau centre de jour payé par les anglais il y a 6 mois, pour que la France empêche les migrants d’aller en Angleterre. C’est un grand espace d’herbe et terre, clos avec une grille verte, et fermé la nuit. Un car de police est en stationnement devant toute la journée, et la police était très intriguée par notre présence et l’immatriculation 92 de notre voiture.

Un gardien migrant est toute la journée devant la porte ouverte en grand. Les migrants rentrent et sortent en permanence, il y en a entre 1800 et 2200, personne ne connaît leur nombre exact. Il y a aussi 40 bénévoles à temps plein et une dizaine de très jeunes salariés en emplois aidés, filles et garçons formidables, tout le monde nous a parlé et a rigolé avec nous. Tous portent un gilet orange qu’on nous a fait mettre également.

Dans un grand espace de terre avec bancs et deux grands préaux, un mur de 2 m de large offre 50 prises électriques pour recharger les téléphones. Ici, deux migrants et des bénévoles distribuent chaque jour à volonté, 80 litres de café et de thé.

A la droite de l’entrée, il y a un grand espace complètement fermé à nouveau par des grilles vertes avec 2 bâtiments neufs, un pour les femmes célibataires, et l’autre pour les femmes avec enfant. Il n’y a rien pour les couples. Nous avons juste vu un gamin de 5 ans qui jouait entre les 2 bâtiments. Il y a ici environ 50 femmes, avec un certain confort de douche, cuisine, lits... par rapport aux hommes. Elles restent la nuit. Dans le centre homme, il y a 60 douches neuves au total, et ils ont droit à 4 minutes d’eau chaude par personne.

Ensuite nous sommes allées à la distribution du repas du soir à 17h. Il y a toujours 2 autres cars de police à partir de 16h devant la distribution. Pour éviter les bagarres, un chemin de 100 mètres environ a été encadré avec des barrières. A 16h15 il y avait déjà 50 mètres de queue. Les migrants rentrent par groupes de 15 dans le bâtiment, et prennent un sac plastique avec ce jour là pomme, pain et yaourt. Puis le repas chaud est servi dans un petit plateau en plastique. La nourriture arrive toute prête, préparée par le secours populaire et la croix rouge. De 20 à 25 personnes font la distribution.

Il y a avait un très jeune migrant qui demandait à la bénévole que nous accompagnions, un paire de baskets, car sur la sienne, on voyait la semelle complètement décollée qu’il avait attachée sur le dessus du pied avec une bande velpeau.

La bénévole voulait faire avant la distribution le tri des vêtements, chaussures, couvertures.... que nous avions apporté, car les migrants se seraient battus pour tout avoir. Tous les soirs, son mari vient avec une camionnette pour la distribution de vêtements. Les nouveaux arrivants ont un ticket et sont prioritaires, ils ont droits aux vêtements, chaussures et à une couverture. Ensuite viennent les autres comme ce jeune qui avait besoin de baskets. Beaucoup réclame des couvertures car la nuit il fait froid dans la jungle.

Ensuite nous avons fait la distribution d’eau. Ils ont toujours besoin de bouteille vide de 1.5 litre avec bouchon. Il n’y a au total que 3 points d’eau pour tous les migrants, c’est horrible. C’est à la sortie du camp, un grand tuyau terminé par un robinet, où nous avons rempli nos bouteilles. En repartant la bénévole nous a demandé de les déposer à 2 km dans la jungle, là où un migrant Egyptien de 30 ans et qui parle français, a fait sur un petit mont avec ses « collègues » comme il les appelle, une cabane recouverte d’une grand bâche, le luxe ! Il a commencé à distribuer les bouteilles pleines à tout le monde autour de lui.
En repartant près de l’entrée d’autoroute, il y a une autre jungle à 3 km du camp, sans eau bien sur. Donc ils marchent une bonne partie de la journée, entre la jungle et le centre, mais en ville on ne les voit pas - la maire ne voulait absolument plus qu’ils viennent en ville. En repartant nous avons croisé des voitures de Calais, et des gens à pieds qui apportaient de la nourriture déjà cuisinée et des fruits, c’est fréquent le WE nous a dit la bénévole.

Voilà, je voulais vous décrire tout cela pour que vous sachiez que les vêtements, chaussures et couvertures que vous m’avez donnés sont très très utiles et qu’ils sont utilisés rapidement. Heureusement, il y avait du soleil malgré le vent, et il faisait beau depuis plusieurs jours, mais j’imagine quand il pleut, la bouillasse dans le centre, dans la jungle... A part la douche et les WC, et la distribution des repas en 3 minutes chacun, puisque après ils sortent vite manger dehors par la seconde porte pour laisser rentrer les 15 suivants, il n’y a donc aucun endroit complètement abrité de 4 murs pour les hommes.

Et tous ces bénévoles, avec le sourire, ça fait du bien, il y a quand même des gens extraordinaires de tous les âges. J’aurai sûrement encore besoin de vos dons de vêtements, baskets... pour hommes, après les vacances d’été, si bien sûr vous en avez.