La surprise du chef ! Bénévolat à CALAIS

Nous étions quatre, répartis en 2 voitures, partis ce matin du 21 novembre 2015 de la banlieue parisienne, en direction de la « Jungle » de Calais, afin d’y laisser à l’intention des réfugiés des colis de vêtements collectés auprès de nos amis, voisins et connaissances. Nous avions pris soin de communiquer à l’avance à l’association Salam les immatriculations des véhicules afin que l’on nous permette de rentrer au sein du Centre Jules Ferry, sorte de nouveau Sangatte au rabais, lequel est défendu par une grille mobile et un gardien.

En arrivant sur place, nous quittons la route goudronnée et longeons, sur un chemin boueux et défoncé – le chemin de Dunes – long d ’un bon demi kilomètre (ce jour là, il pleuvait à verse et le vent soufflait en tempête) la trop fameuse jungle, une juxtaposition hétéroclite de cabanes de planches, de cartons ou de toiles, cloués, ficelés, haubannés à la va comme je te pousse et de tentes improvisées couvertes par des bâches de chantier. Nous roulons sur ce chemin à vitesse de piéton, parcouru qu’il est par d’innombrables réfugiés, pour la plupart africains, abrités sous des couvertures ou de vagues morceaux de plastique, et dont quelques uns marchent en tongues alors qu’il doit faire au plus 6°C et que souffle ce vent mordant par rafales incessantes. Comment ne pas avoir honte, alors, de rester à bord de nos voitures chauffées et bien fermées... Nous arrivons enfin
devant l’entrée du centre, clos par sa grille ? là, règne une cohue indescriptible.

Nous nous rangeons donc en bord de chemin, et attendons que l’une d’entre nous aille communiquer nos numéros d’immatriculation afin qu’on nous laisse entrer, puisque nous étions attendus. Je descends de voiture, restant à côté de ma portière, et échange quelques mots avec de tout jeunes réfugiés qui me demandent, dans une langue que je ne peux identifier, mais en désignant clairement par gestes les ballots de linge que je transporte si on peut leur en distribuer
immédiatement, et j’essaye de leur faire comprendre tant bien que mal que la distribution aura lieu à l’intérieur, plus tard. Pendant ce temps, une amie est partie demander aux CRS présents dans une camionnette garée de l’autre côté de l’entrée si on l’autorise à prendre quelques photos, ce à quoi il lui est répondu par l’affirmative. Dans l’autre véhicule, le chauffeur n’a pas quitté le volant. Aucun
agent de la force publique ne lui fait quelque remarque que ce soit à propos de nos deux voitures...

Quelques minutes passent.

Nous passons alors la grille et nous rendons au bâtiment – un petit local en préfabriqué, qui ne doit pas excéder 25 m2 à l’intérieur duquel des bénévoles s’efforcent de trier et ranger tant bien que mal les vêtements, chaussures, couvertures qui s’entassent partout... Après avoir aidé à déballer et ranger une partie des vêtements que nous avons apportés, nous repartons, toujours sous la pluie et le vent.

La « surprise du chef » ne surviendra qu’une semaine après, lorsque nous recevrons, à titre de récompense pour notre geste, un avis de contravention pour chacune de nos voitures, (soit 35€ chacun) pour stationnement gênant, justifié par un arrêté municipal en date du 29 octobre 2015...

Mais derrière le maire, serait ce le Préfet qui aurait donné la consigne, ou faudrait-il même y voir la main du Ministère de l’Intérieur ? Je précise que lorsque nous attendions devant l’entrée du site,
aucun agent de la force publique n’est venu nous voir en nous demandant de bien vouloir déplacer nos véhicules, sous peine de verbalisation et que nous ne gênions en rien la circulation automobile,
quasi inexistante à cet endroit. Les merveilles de la technologie moderne dispensant de l’usage du carnet à souches et du stylo ont permis la généreuse attribution de ces « prunes » sans même que
nous ayons eu conscience d’avoir été en infraction.

Nous tenons à remercier ici Madame le Maire de Calais et le Ministre de l’Intérieur pour cet encouragement au bénévolat. Puisque l’Etat ne se résout à faire quelques chose que lorsqu’il y est contraint par décision de justice... Puissent nos 70€ être attribués (moins les frais de gestion, cela va sans dire !) à améliorer l’ordinaire – si l’emploi de ce terme ne paraissait pas si déplacé devant une telle misère, un tel dénuement – des réfugiés de la Jungle de Calais.

Michèle EDAINE 10 Boulevard Victor Hugo 78300 POISSY
Pascal BADOUAL Caroline DUARD Eric KOHENOFF

PJ : photocopies des deux contraventions

Copie :

Maître Camille CLEMENT
Association Amnesty International
Association ATTAC (78 et 92)
Association la CIMADE
Association Salam à Calais
Association LDH
Mairie de Calais
Préfecture du Nord
Présidence de région
Ministère de l’intérieur
Députation
La Voix du Nord
Le Canard Enchaîné