Attac : le présent et l’avenir

Motion et mandat pour la CNCL des 30 septembre et 1er octobre 2006, suivis d’une contribution à propos des membres fondateurs et du conseil
scientifique.

Prévenir est difficile mais guérir l’est bien davantage, quand ce n’est pas impossible. Aussi il nous faut du courage aujourd’hui car nous ne sommes pas certains d’être héroïques demain.

En interne, Attac a failli éthiquement, politiquement et dans sa gestion de trésorerie. Etait-ce évitable ? Nous verrons plus loin, mais cela risque évidemment d’amener beaucoup d’entre nous à claquer la porte de dépit et à être dégoûtés pour longtemps du militantisme.

Au-delà de la colère et de l’émotion légitimes, tournons-nous vers l’histoire qui, dans de telles situations, peut nous servir de boussole. Aujourd’hui, toutes proportions gardées, la situation que vivent les militants d’Attac est beaucoup moins dramatique et dangereuse que celle
qu’ont vécue les premiers résistants français de la seconde guerre mondiale. Le pays était occupé, les nazis victorieux partout, les gouvernants français s’étaient déshonorés, et pourtant des gens politiquement divisés ont continué le combat, et cela même si ce n’était pas toujours de façon très régulière entre eux...

Prenons du recul

Attac nous a déçus, c’est évident, mais est-ce une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain ?

Parce que nous sommes indignés et effarés des situations tant locales que mondiale,

Parce que nous voulons agir avant qu’il ne soit trop tard car nous pressentons un retour possible de la peste brune,
et parce que nous pensons que le genre humain peut et mérite mieux, avec Attac nous nous sommes lancés à contre courant de tendances très lourdes dont la dynamique croît de façon exponentielle :

 montée en puissance et organisation de forces qui mènent au chaos par la promotion de la loi de la jungle en s’appuyant sur certaines caractéristiques comportementales du vivant et de l’humain (compétition,égoïsme...) ;
 faillite grandissante et corruption des forces et organisations sensées lutter contre les premières et sensées promouvoir un humanisme positif à partir d’autres caractéristiques humaines (coopération, réflexion ...).

Face à de tels problèmes nous avons plus que jamais besoin d’outils novateurs et efficaces comme Attac a su l’être.

Mais face à ces mêmes problèmes où bien d’autres se sont cassé les dents, comment prétendre réussir du premier coup, alors qu’Attac n’est qu’un prototype qui a encore besoin de plusieurs étapes de mise au point et davantage d’implication de ses militants dans son fonctionnement propre ?

Bien sûr Attac est frappée au coeur, quand bien même les auteurs de l’insupportable fraude lui seraient extérieurs. Car les problèmes éthiques ne se limitent pas à la fraude, il faut connaître tout ce qui l’a précédée, accompagnée et suivie : procès d’intention, divulgation et exploitation de résultats intermédiaires par des membres même de la
commission électorale, non-respect de la présomption d’innocence et lynchage hystérique, diffamation, intelligence avec les médias
adversaires...

Avoir raison (c’est déjà le cas en partie) c’est bien, mais la fin ne justifie pas tous les moyens.

Attac n’est pas pure, Attac est humaine donc Attac est perfectible.

Faisons un bilan critique du positif et du négatif, et reconfigurons l’association et ses statuts en fonction de nos conclusions, quitte à être plus modeste sur les objectifs, mais surtout en se donnant les moyens d’une réelle construction collective afin qu’Attac soit habitée
au plein sens du terme par des militants impliqués.


A titre de contribution pour le futur nous estimons ci-après indispensable de revoir l’articulation d’Attac avec ses membres fondateurs et son conseil scientifique.

Les membres fondateurs (MF)

Ils sont une des richesses d’Attac et bien qu’il soit souhaitable de leur trouver une autre dénomination, ils sont indispensables, surtout dans leur diversité. Les MF doivent avoir un pouvoir consultatif, le droit et même le devoir et les moyens de critique envers l’association, mais pas de pouvoir décisionnaire.

Car Attac doit être indépendante pour être sanctuarisée par rapport à ces lieux de pouvoir que sont les partis, syndicats, médias,institutions, organismes divers, labos de recherche, entreprises, etc...

D’autant que, pour la plupart, ces entités ont largement fait la preuve de leur faillite grandissante contre le libéralo-capitalisme, à cause de leurs sclérose, luttes d’appareil et/ou corruption.

Ce minimum d’indépendance organique d’Attac à leur égard est le cordon sanitaire qui doit exister. Cela permettra d’autant mieux à Attac d’accueillir individuellement en son sein les dissidents ou opposants internes à toutes ces entités. C’est surtout la meilleure façon de
limiter le risque qu’Attac devienne le lieu et/ou l’enjeu de tractations occultes et sordides entre les apparatchiks de ces entités (je te donne ceci, tu me laisses cela, etc...).

D’ailleurs on peut s’étonner que les syndicats, médias, ONG, etc... qui revendiquent leur indépendance par rapport aux partis refusent celle d’Attac à leur propre égard. Si en premier lieu ces entités sont sincèrement prêtes à lutter efficacement contre le libéralo-capitalisme et bien intentionnées envers l’outil Attac, c’est en partie à son service qu’elles doivent se mettre et non l’inverse. Ces pré-requis favoriseraient une sélection automatique de ces entités.

Et enfin, même si l’indépendance organique d’Attac n’est pas suffisante pour l’éviter, elle reste néanmoins nécessaire pour limiter le risque d’instrumentalisation et/ou de neutralisation. Attac se doit de participer, d’être un partenaire loyal, efficace et à part entière comme elle le fut pour le 29 mai. Mais pour ce faire elle
ne doit pas être mineure et cornaquée par ses partenaires.

Le conseil scientifique (CS)

Le CS a un rôle bien précis qui n’est pas de se constituer en contre pouvoir au sein d’Attac. Ses membres doivent être adhérents à l’association au même titre que les autres, avec les mêmes droits, sans plus. Le savoir est à développer, son expression à favoriser, mais il ne
faut pas oublier que le savoir est déjà un pouvoir en soi. A ce titre il doit être contrôlé et non pas fantasmé et idéalisé. Il serait donc inutile et même dangereux « d’en rajouter » et de transformer le CS en caste supérieure. D’autant que la connaissance n’a jamais préservé quiconque de la corruption, du délire ou de la faute.

En outre le CS doit favoriser le travail trans-disciplinaire et pour ce faire il doit s’ouvrir, notamment à la philosophie et à la psychologie.

L’aide de ces sciences humaines est indispensable :

 pour rendre chacun plus autonome, libre, et efficace, tant individuellement que collectivement ;
 pour atténuer le pédantisme et surtout les égos hypertrophiés ;
 pour améliorer les conditions des débats ;
 pour donner plus de vie à notre action ;
 pour mieux appréhender et plus en amont la chaîne de causalités en allant jusqu’au coeur de la cellule sociale qu’est l’être humain ;
 pour contrer nos adversaires, qui eux utilisent largement les sciences humaines sans vergogne.

En outre, cet ensemble est de nature à limiter le populisme anti-intellectuel.

Bien sûr, comme dit plus haut, tout cela suppose que le maximum d’adhérents s’investisse aussi dans le fonctionnement, le perfectionnement et l’entretien de l’outil Attac. Cela n’est pas évident, mais comment demander à nos contemporains d’être critiques,
démocrates, impliqués, de comprendre la politique actuelle et d’agir contre elle, si nous ne sommes pas nous-mêmes impliqués dans le fonctionnement de notre association ?