Merci Attac !

Avant d’en tirer des leçons pratiques pour le futur, avec ou sans Attac, voyons d’abord le meilleur.

Grâce à Attac des personnes, comme moi, ont eu la chance trop rare d’amorcer leur autonomie dans l’approche économique et politique de notre époque. Cela passe notamment par son approche historique, clé de voûte pour la compréhension de la situation actuelle. Sur ce sujet le petit livre de Keith Dixon : « Les évangélistes du marché » (très bon « retour sur investissement » en temps et argent) nous déroule un fil limpide : Accords de Bretton Woods, FMI, Banque Mondiale, OMC, AGCS, pénétration des écoles d’économie, pensée unique, corruption des médias, des syndicats et des partis qui ont trahi tant de promesses et d’espoir depuis les années 82/83.

Face à cette situation dramatique, Attac a été créée selon une formule originale faite de membres actifs (MA) et de membres fondateurs (MF). Les MF, composés de médias, syndicats, associations et personnalités devant irriguer et relayer l’association, ont été une formidable rampe de lancement. Conjuguée à l’immense besoin de riposte et d’espoir, Attac a surgi d’autant plus vivement. Sa participation reconnue à la victoire du 29 mai n’a pas été le moindre de ses succès.

Mais voyons « le reste » :

 Entonnoir de toutes les frustrations, sollicitée de toutes parts, Attac n’a pas pris soin d’elle-même. Elle n’a pas fait évoluer assez tôt ses pratiques internes. Les statuts d’Attac ne sont pas un modèle de démocratie. Par leur rigidité et leur structure asymétrique en faveur des MF (18 représentants au CA contre 12 pour les MA), ils démontrent combien l’entrisme via les MA était redouté par B. Cassen. Sa crispation n’a pas favorisé l’autonomie par la base. Ce « prêt à consommer » tellement dans l’air du temps a convenu à bien des militants débordés.

 Le succès d’Attac a aiguisé des appétits personnels d’image ainsi que des craintes de devoir se remettre en question parmi les appareils sclérosés dont certains sont MF.

 Si l’unité est facile pour dénoncer, elle est bien plus compliquée pour créer des projets alternatifs. La nécessité du débat sur le champ des désaccords et leur contenu n’a pas été anticipée.

Cet ensemble a permis que des luttes de pouvoir se trament au sommet d’Attac. Elles se sont exacerbées jusqu’au point d’orgue situé autour de la fraude électorale lors du renouvellement du CA national en juin.

Aujourd’hui, factuellement, on peut dire que si la fraude est avérée, on ne connaît pas encore les coupables et que les conditions de dépouillement du scrutin furent lamentables : sur ce sujet, les torts sont partagés et de nouvelles élections se mettent en place pour remplacer le CA issu de la fraude : une bataille de chiffonniers indigne des besoins et des espoirs suscités a été amorcée.

La question maintenant est de savoir si nous, toute la base d’Attac, réagirons assez pour sauver et faire revivre Attac démocratiquement cette fois-ci en nous investissant davantage dans cet outil dont nous avons plus que jamais besoin. Comme le bébé, il ne mérite pas d’être jeté avec l’eau du bain d’autant qu’il est lui aussi très jeune et perfectible.

Perfectible :

 en modifiant les statuts pour que les MF n’aient plus qu’un pouvoir consultatif afin d’éviter qu’Attac ne soit l’enjeu et le lieu de tractations occultes et sordides entre apparatchiks de quelques MF (1). N’oublions pas que certains MF étaient pour le oui au TCE...

 en redéfinissant la place du conseil scientifique (1) et en l’ouvrant aux philosophes et psychologues. De plus, cela ne pourra qu’aider les mégalos et les paranos à se calmer.

 en favorisant la création et l’intelligence collectives par l’art du débat.

Bref la coopération au lieu de la compétition.

Guy Leroy

(1) voir sur ce sujet la contribution du CA 78N sur son site